• Un jardin refuge en zone libreUn jardin refuge en zone libre

     

      

    Tout a commencé lors des « sorties autorisées » pour promener les chiens. Le mien n’a jamais autant sillonné le village que pendant ce confinement : de deux à trois fois par jour.  J’aimais bien les rues désertes et le silence ambiant, lui aussi.

    Au bout d’une semaine, j’ai aperçu deux jeunes filles réfugiées derrière un bosquet de noisetiers, avec un pique-nique. Nous étions « hors-la-loi », les espaces verts étaient interdits au public par la plus grande des aberrations, du point de vue sanitaire : l’Académie de médecine prône depuis plus de deux cents ans les bienfaits de l’air pur, de la nature, de l’exercice physique comme étant indispensables à notre bonne santé. Cette interdiction constituait également une injustice sociale majeure. Sans doute fallait-il tester le degré de docilité de la population…

    Un jour en passant près de leur « refuge », j’ai entendu l’une d’elles qui pleurait. Je me suis approchée pour demander si je pouvais aider… l’autre jeune fille qui essayait de consoler son amie, eut l’air soulagée d’une certaine manière, de ma présence inopinée. Elle m’expliqua que Coline craquait parce qu’à la maison, c’était invivable : son petit frère énervait sa mère en refusant de faire ses exercices de lecture. Les parents se disputaient tous les jours. Coline ne supportait plus l’ambiance conflictuelle permanente ni d’avoir ses parents sur le dos toute la journée…

    Un jardin refuge en zone libre

    Après les avoir écoutées et consolées, je les ai invitées chez moi pour l’après-midi. Très discrètement,  nous avons traversé le cours d’eau qui longe la coulée verte, à gué, ma maison est juste en face, de l’autre côté. L’aventure les a déridées et un chocolat chaud a fini de les réconforter. Le jardin derrière la maison est invisible de la rue. Je les ai installées sur la terrasse, Nous avons bien discuté, de leurs études, de leurs centres d’intérêts, de leurs projets de vie, du confinement, des copines qu’elles ne pouvaient plus voir. Elles ont aimé mon côté insoumis qui consistait chaque jour à emprunter les espaces verts interdits, tout comme elles. Je leur ai proposé de revenir l’après-midi autant qu’elles le souhaitaient. C’est devenu un rituel : chaque jour à 14 h elles arrivaient séparément pour ne pas se faire remarquer. De mon côté, j’avais appris, qu’une personne avait signalé à la mairie mes « infractions caractérisées » qui consistaient à emprunter les espaces verts plusieurs fois par jour… Trois jours après, elles sont arrivées avec Erwan, le petit frère de Coline âgé de 6 ans pour échapper à l’ambiance orageuse qui régnait à la maison : il n’arrivait pas à lire correctement, sa mère perdait patience et son père ne supportait plus d’entendre les cris de l’une et de l’autre…

    Ce jour-là, j’ai compris qu’il fallait organiser les après-midis pour que chacun de nous y trouve son compte. J’ai mis ma bibliothèque à leur disposition ce qui nous a permis de discuter de leurs lectures plutôt scolaires. Je leur ai suggéré certains auteurs… De fil en aiguille, une sorte de rituel s’est instauré : ma voisine qui s’ennuyait ferme chez elle, prit aussi l’habitude de nous rejoindre et proposa de les initier à l’aquarelle… avec succès. Un jardin refuge en zone libre

    Deux jours après, une amie à moi nous a rejoints avec son mari,  excellent joueur de guitare … Une autre voisine, nouvellement installée, qui promenait son chien le matin aux mêmes heures que moi, s’est ralliée à nos activités : adepte de la sylvothérapie, elle a proposé aux membres de notre groupe de les initier à cette pratique. Erwan, faisait des coloriages puis, petit à petit, il m’a expliqué qu’il n’arrivait plus à se concentrer quand sa maman s’énervait. Je lui ai proposé de l’aider à progresser dans son apprentissage de la lecture selon une méthode éprouvée, utilisée par des orthophonistes : il a repris confiance et a été très fier de pouvoir lire un livre au bout de quinze jours, sans aucune aide. Le bouche à oreille fonctionnant bien, les visiteurs de l’après-midi ont été plus nombreux chacun finissant par amener une connaissance, un ami…

     Un jardin refuge en zone libreJ’avais installé des fauteuils et des tables dans tous les coins du jardin de sorte que chacun se sente libre de s’isoler pour lire, pour discuter par affinités, pour jouer de la guitare, pour peindre, J’avais des thermos de café et de thé, certains apportaient des gâteaux faits maison, des jus de fruits…

     Certains jours, nous avons été jusqu’à 20 personnes dans ce grand jardin qui aurait pu en accueillir dix fois plus sans générer de proximité excessive. Mais, ce qui m’a beaucoup touchée, c’est de voir tous ces gens qui, pour la plupart, se connaissaient de vue, sans se fréquenter, se mettre à parler ensemble, échanger des conseils, se réconforter, échapper à une ambiance parfois difficile à la maison, aux problèmes de voisinage qui se multipliaient dans les  lotissements :  un voisin qui faisait griller des sardines près de la clôture mitoyenne et  enfumait tout le monde, tel autre qui mettait la musique à fond dès 9 heures du matin, fenêtres ouvertes pour en faire profiter le voisinage… Dans certains lotissements, l’ambiance était devenue électrique au point de nécessiter, parfois, l’intervention des gendarmes…

    J’avais organisé un service de prêt de livres et de revues puisque les bibliothèques étaient fermées…Un jardin refuge en zone libre

    Pour deux enfants de 9/10 ans, l’observation des oiseaux et l’initiation à la photographie ont été l’occasion de belles découvertes... Avec une application dédiée, nous avons constitué un herbier virtuel que nous avons fait imprimer quelques semaines après le confinement.

    Un jardin refuge en zone libreNous avons échangé des idées et des conseils de jardinage, des boutures de fleurs…

    Cinq personnes ont choisi d’écrire leur ressenti sur la situation : chaque jour, un atelier d’écriture était organisé sur une terrasse ou dans la véranda. Et tous les trois jours, pour celles qui le désiraient, c’était la relecture de certains écrits. Ce travail d’introspection a beaucoup aidé les personnes qui l’ont pratiqué. Elles ont été aidées en cela par le « Chapter » de Vertellis. Cela se présente sous la forme d’un gros carnet relié divisé en 13 chapitres sur des thèmes différents.  

    "Le but ? Vous encourager à réfléchir sur votre vie quotidienne. La structure des Chapitres et leur contenu recèlent de nombreuses théories psychologiques « cachées » pour vous permettre d’expérimenter votre évolution personnelle de manière à la fois consciente et inconsciente… »  

    Les résultats attendus ? Cette réflexion structurée vous amène à analyser les différents facteurs psychologiques qui influent sur votre vie pour ainsi créer un changement durable. Cela permet aussi d’être plus positif et confiant, mais également de façonner votre vie différemment.  Ce « journal de pleine conscience » a fait merveille chez les adolescents comme chez les adultes. Les retours ont été très positifs. 

    C’est le cadeau parfait[1].  Un jardin refuge en zone libre

     A la fin de la période de confinement, chacun a retrouvé sa vie d’avant… Tous ont été happés par leur travail, leurs familles, leurs amis, leurs activités, leurs loisirs … Certains ont déménagé…

    Avec les personnes qui avaient pris goût à l’écriture, nous avons gardé l’habitude de nous retrouver tous les 15 jours, soit dans le jardin soit à la plage pour une relecture des textes : un projet de dessine pour certaines personnes, celui d’éditer un carnet  de souvenirs du confinement. Un regard croisé de leurs expériences respectives qui sera publié sur Amazon KDP.

      Un jardin refuge en zone libreAvec le reste du groupe, les relations se sont rapidement espacées… Un message sur WhatsApp, un courriel de temps en temps… J’ai gardé des relations amicales avec deux ou trois personnes.

    En résumé, ce confinement, dont on sait maintenant combien il a été inutile sur le plan sanitaire, coûteux sur le plan économique, pernicieux pour la santé mentale des enfants, et celle des adultes, ne m’a pas paru trop long : je n’ai jamais été aussi occupée.

    Pour tous les otiosi qui ont fréquenté mon jardin, cela a été une bulle d’oxygène. Chacun a pris le temps de se poser (par la force des choses), de s’évader du quotidien, de parler, d’échanger, de trouver un soutien, d’avoir un rythme de vie au plus près de la nature, de s’alléger, de recharger ses batteries. Ce fut une formidable expérience humaine et de très beaux souvenirs. Et cette période, qui nous a été vendue presque comme une urgence de mort, a débouché sur une incroyable pulsion de vie.

     

     * Les prénoms ont été modifiés.


    [1]https://www.vertellis.fr/products/vertellischapters?gclid=CjwKCAiA3pugBhAwEiwAWFzwdejAIJgH0LqE17eOGtz_GFhP1-gs9EhoK4VYFttiJ4GbwiVWjADp7hoCf-YQAvD_BwE

    P.S. Je n’ai aucun lien commercial avec Vertellis. Il se trouve que j’avais commandé deux « Chapters » pour les offrir et, une fois confinée, je les ai scannés pour permettre aux personnes de notre groupe de profiter immédiatement, de leur influence positive durant cette période difficile.

     

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